Estados Generales del Psicoanálisis |
Les thèmes
René Major
1 - La clinique psychanalytique
Ce qui spécifie la pratique psychanalytique est la reconnaissance de transferts inconscients, de la résistance de l' auxiliaire qu' ils constituent pour l' analyse et pour l' avènement du sujet qu' elle promeut. L' art de pratiquer l' analyse se confond avec l' art de résoudre "la névrose de transfert" apparue dans l' analyse et qui peut faire que, le cas échéant, l' analysant devienne analyste.
Les transferts de l' analysant et le désir de l' analyste étant au départ de l' expérience (la place du "sujet supposé savoir" ou vient se situer l' analyste est déjà anticipée dans l'histoire), que deviennent les catégories nosographiques héritées de la psychiatrie? Ce sont les modalités du transfert, de la résistance et de la mise en place du fantasme (modes de nouage du sujet a l' objet du désir) qui éclairent le cours de l' analyse. La seule "névrose" que l' analyste connaît est, selon Freud, "la nouvelle névrose artificielle" (ajoutons: ou "la nouvelle psychose") qui se manifeste par le transfert. Ne conviendrait-il pas plutôt de dire aujourd'hui: le nouveau rapport du sujet au fantasme, a la réalité, au réel?
Entre deux risques, celui de la psychiatrisation de la psychanalyse et celui de la psychologisation, y a-t-il une possibilité épistémologique de dégager une autonomie de la clinique psychanalytique par rapport a toute conception objectivante du rapport a l' autre empruntée a d' autres champs du savoir?
En regard de cette possibilité, quelles sont les variations du protocole analytique qui peuvent être envisagées? Un rapport spécifique entre la tekné (l' art de l' analyse) et l' épistêmê (le savoir) reste a élucider.
2 - Transmission de la psychanalyse
La spécificité de la transmission de la psychanalyse tient a ce que le savoir attendu du psychanalyste, comme en toute discipline, et tel que Freud en formulait (dans "L' analyse laïque") les hautes exigences pour un institut ou une Ecole, se double de l' expérience même d' une analyse dont les modalités d' éffectuation son réglées par des associations privées. Chacune d' elles a un rapport particulier a l' héritage de Freud, ou a celui de l' un de ses successeurs, et un rapport de pouvoir a ce savoir dont elle s' attribue la garde.
En regard du souci réel de préserver l' héritage de la pensée psychanalytique et d' en transmettre le savoir sur le mode si singulier de l' expérience d' une analyse, susceptible de remettre ce savoir en question, tendent a se perpétuer des transferts non résolus qui a la fois règlent les rapports entre collègues et imprègnent d' un modèle la direction de l' analyse, la ou la nécessité s' impose d' une constante invention. Les rapports figés du sujet au fantasme et a l' objet du désir, quand ce n' est pas l' enlisement d' un conflit de génération en génération, dont dès lors exposés a se transmettre comme tels.
Si nous pouvons comprendre historiquement que la relation analyste analysant se soit trouvée en coalescence avec la relation maître élève, ne disposons-nous pas aujourd' hui d' une réflexion sur l' expérience qui puisse l' en dégager? Comment apporter un supplément d' analyse aux modalités actuelles de la transmission et de la validation de cette expérience? Comment éviter que s' inverse dans le rapport entre analystes l' autonomie et l' indépendance acquises par l' analyse?
3 - Les institutions analytiques
Il y a deux modes d' existence de la psychanalyse. L' un, comme expérience singulière au cours de laquelle la socialité interne du sujet se meut dans l¿ espace "privé" de la situation analytique, dans la "névrose" ou la "psychose" de transfert ou, autrement dit, dans le rapport au fantasme et a la réalité. L' autre, dans lequel la psychanalyse se manifeste dans le domaine "public" a travers la théorie, les institutions analytiques, le rapport au social et au politique.
Ces deux modes d' existence de la psychanalyse sont-ils voués au clivage, ou peut-on poser comme possible leur correspondance, en tenant compte des problèmes que peut poser la façon dont ils se répondent l' un a l' autre?
Quel serait l' avenir de cette "co-respondance" pour la psychanalyse, comment s' inscrirait-elle dans les écoles de psychanalyse, comment pourrait-elle modifier le lien social en général et le lien social entre analyste en particulier? Et commet pourrait-elle résister aux dérives du sectarisme ou de la standardisation bureaucratique, en respectant les différents courants de pensée qui l' animent tout en les soumettant a la rigueur de la raison analytique?
4 - Le rapport de la psychanalyse au social et au politique
Maints exemples dans l' histoire du mouvement psychanalytique témoignent du manque de prise en compte du rapport de la psychanalyse au social et au politique, quelles qu' aient pu être les réflexions en ce domaine dégagées par Freud et par ses successeurs. Un apolitisme affiché a souvent couvert des politiques étatique insoutenables.
Peut-on dégager une pensée analytique du politique, une contribution de cette pensée a l' histoire sociale et a l' évolution des sociétés, a la réflexion concernant les droits de l' homme, a la conception traditionnelle de l' étique?
Plus précisément, comment juger, au regard d' une telle pensée, les différents modes d' inscriptions de la pratique de la psychanalyse par rapport aux réglementations sociales ou professionnelles variant selon les pays? Par rapport aux changement socio-culturels, a la crise généralisée de la pensée, a la progressive restriction du domaine privé?
La psychanalyse peut-elle s' en tenir au principe de flottabilité universelle de ses institutions par rapport aux pouvoirs politiques et face aux changements culturels profonds de notre société?
La psychanalyse des enfants, la présence des analystes dans le domaine de l' éducation ou dans les institutions de soins, leur rapport au travail social et aux changements survenus dans la demande d' analyse, l' accroissement considérable du nombre d' analystes, autant de données qui ont modifié la pratique la plus classique. Comment en est-il rendu compte?
5 - Le rapport de la psychanalyse a l' art, a la littérature, a la philosophie
En leur reconnaissant "des antécédents" dans la connaissance de la réalité psychique, la psychanalyse a souvent pris appui dans la littérature et dans l' art pour étayer ses découvertes. La critique littéraire et la critique d' art trouvent aujourd' hui dans la psychanalyse une nouvelle source de réflexion. Quelles sont les nouvelles avenues pour la pensée que peuvent ouvrir leurs rencontres?
Pour s' en inspirer ou pour s' en démarquer, la lecture des philosophes aura imprégné l' oeuvre de Freud et, depuis, celle de Lacan, a plus d' un titre, pour ne nommer que ceux-la. Nombre de concepts dont ils usent appartiennent a l' histoire de la métaphysique, sont forgés a même la matière langagière dont ils ont hérité. Dans quelle mesure s' affranchissent-ils de cette histoire? Quelle stabilité peuvent avoir les concepts en psychanalyse? Comment se renouvellent-ils?
Plusieurs courants de la philosophie aujourd' hui ont pris en compte les avancées de la psychanalyse et la questionne en retour: sur sa doctrine de la vérité, sur son idéalisation de la lettre, sur ses modèles interprétatifs, sur ses mythes de l' origine, quand ce n' est pas sur les insuffisances de sa réflexion concernant la violence sociale, le droit et la justice ou ses propres institutions. Ce questionnement n' est pas sans entraîner des remaniements dans la théorie psychanalytique: sur le rapport de la parole a l' écriture, a la trace et a son effacement, sur les question de la sexuation et de la jouissance. C' est dire aussi dans de nombreux aspects de sa
6 - Le rapport de la psychanalyse au droit, aux neurosciences, a la biologie et a la génétique
Depuis la Shoah, le crime primordial perpétré au nom de la violence mythique qui instaurerait la loi n' est plus le parricide mais le crime contre l'humanité qui atteint jusqu' a l' enracinement biologique de la réalité psychique et de la cruauté fondamentale dénuée de toute conscience de culpabilité. Cette violence mythologique tente de s' approprier, en voulant en détruire le témoin, une violence divine dont la justice serait irréductible au droit. Einstein et Freud souhaitaient déjà en 1933 soumettre ce crime primordial, encore sans nom, a une juridiction supra-nationale.
Quel est aujourd'hui notre concept de l' homme? Tient-il sa consistance comme sujet d' un ensemble neuronal rendu sensible a ses expériences par les synapses de la douleur ou du plaisir ou comme sujet de la parole et de la lettre, du désir et de la loi?
En quoi les progrès de la biologie moléculaire et de la génétique aujourd'hui peuvent-ils remettre en cause la théorie freudienne des pulsions? Comment penser alors les différentes étapes du saut qui va du dispositif pulsionnel a une combinatoire du représentant de la représentation? Les substrats moléculaires n' expliquent pas - ou pas encore - comment le sujet de contraintes biologiques est capable de rendre sa servitude "volontaire" ou de vouloir s' en libérer. L' exclusion du sujet de l' inconscient du champ des sciences du vivant fait apparaître le spectre d' un homme-machine aux humeurs régulées chimiquement ou son corrélât purement religieux.